Le Chef d'oeuvre inconnu

Ekphrasis et palimpseste

Resumo

Cet article explore la façon dont les descriptions littéraires d’œuvres d’art visuel affectent le tissu narratif et descriptif d’un texte. La nouvelle que nous examinerons fonctionne sur trois niveaux textuels : les luttes créatives du peintre, ses relations amoureuses avec son modèle et/ou les femmes peintes de sa toile, et ses prétentions esthétiques à révolutionner la peinture. Notre projet soutient que l’ekphrasis est un mode de traduction qui prend deux for-mes : la description traditionnelle, “contenue”, d’une œuvre d’art visuel ; et un mode d'écriture qui imprègne tout le texte et imite les caractéristiques de la peinture. Le Chef d’œuvre inconnu de Balzac adopte avec succès le mode d’écriture ekphrastique, transformant le récit en une toile où les frontières entre les médias sont floues. Au cœur de ce texte réaliste, l’adhésion fondamentale au principe mimétique de l’art est confrontée aux expériences non figuratives de ses peintres fictifs. Le corps féminin, comme incarnation de l’Art et la manifestation du désir de l’artiste, devient le symptôme de l’incursion de ce dernier dans la peinture abstraite et de sa volonté de s’approprier l’art et le lieu de la résistance à l’ekphrasis. Nous nous centrerons sur la façon dont Balzac combine les techniques de Rembrandt - en particulier son utilisation de la lumière - dans la composition de ses propres descriptions. Nous suivrons ensuite l’ekphrasis du maître fictif Frenhofer sur sa toile et les leçons d’interprétation qu’il donne tout au long du texte afin d’analyser son dernier tableau. En mettant l’accent sur ce qui se trouve sous la surface d’une toile plutôt que sur ce qui est visible, Frenhofer illustre sa vision de la peinture comme palimpseste.